Interview d'Alana Potter, End Water Poverty

Les services sociaux de base : des leviers transformationnels dans la réduction des inégalités

1. Selon vous, quel rôle peuvent jouer les services sociaux de base tels que l’eau et l’assainissement, la santé, l’éducation et la protection sociale peuvent jouer dans la réduction des inégalités ? Pouvez-vous nous parler des interactions entre ces services et dans quelle mesure ils se renforcent mutuellement ? 

L’eau et l’assainissement sont fondamentaux dans la réalisation de l’ensemble des Objectifs de développement durable, et pour la réalisation d’un certain nombre de droits socio-économiques et besoins essentiels tels que la vie, l’intimité, la dignité, un environnement sûr, la santé, etc. L’ensemble des services cités sont transformationnels au regard de la réduction des inégalités et de la lutte contre la pauvreté. Leur compromission ne fait qu’accentuer les disparités.

Sans accès à des installations sanitaires dignes et sûres, les filles lâchent plus facilement l’école lors des périodes de menstruations ce qui limite leurs opportunités socio-économiques. Les femmes sont ainsi plus vulnérables aux crimes et violences sexuels et les enfants sont davantage exposés aux maladies diarrhéiques (à noter qu’un grand nombre d’enfants de moins de 5 ans décèdent de maladies qui auraient pu être évitées grâce à un accès aux services WASH). Des services WASH-Nutrition décents renforcent l’immunité face à un large nombre de maladies, y compris les infections respiratoires. De même, les populations vivant avec des handicaps sont souvent davantage vulnérables aux infections, ces dernières étant rendues plus probables en l’absence de services WASH décents. Cette situation place un fardeau considérable sur les ressources personnelles des foyers et sur les ressources pour la santé publique.

L’approvisionnement inadéquat de ces services (eau, assainissement, santé, protection sociale et éducation) est structurel et exacerbé selon la race, la classe, le genre, la géographie et le handicap. L’accès ou non aux ressources en eau et aux services de WASH est arbitré par des relations de pouvoirs inégales au sein du système économique, politique et social à tous les niveaux. L’accès à l’eau et l’assainissement est précieux pour la réduction de la pauvreté car il permet de réduire les inégalités y compris de classe, de race et de genre.

Les inégalités ne sont pas accidentelles. II s’agit du résultat de relations de pouvoirs inégales et d’accès à des privilèges de certains groupes et d’exclusion d’autres. Cela a bénéficié aux pays et sociétés du Nord et particulièrement aux hommes blancs pendant des siècles, et a été perpétué spécifiquement pour maintenir le statu-quo. Nous ne pouvons-nous contenter de “répondre” aux inégalités, il s’agit de les “réparer”.

La protection sociale est transversale, mais surtout orientée vers les populations en mesure de “prouver” leur situation de pauvreté. Cela signifie qu’une personne qui ne dispose pas de documents légaux ou qui n’est pas capable de satisfaire certains critères d’éligibilité onéreux et exigences d’enregistrement est exclue du système de protection sociale donc des services d’eau gratuite, de santé et d’éducation. Un accès universel à ces services doit inclure l’ensemble des populations, quelle que soit leur ethnicité ou citoyenneté. Et étant donné les niveaux de pauvreté actuel, un accès “abordable” soit signifier “gratuit” au moins pour les besoins les plus essentiels.

Au moins 10% de la population mondiale vit dans l’extrême pauvreté. En Afrique subsaharienne, 41% de la population vit dans l’extrême pauvreté soit avec moins de 1.90$ par jour. Cela signifie que lorsque les gouvernements n’assurent pas un accès abordable à ces services de base, le risque que les populations les plus pauvres n’aient pas d’accès à l’eau et l’assainissement est majeur. Les subventions, complètes ou partielles, sont un impératif moral et légal : dans les zones reculées ou dans les bidonvilles urbains, les consommateurs ne peuvent tout simplement pas s’offrir un accès à l’eau et l’assainissement.

Selon moi, la discussion doit se focaliser sur la manière de cibler ces subventions. Plus la méthode est ciblée (indicateurs prépayés qui intègrent des minimums sociaux, registres de personnes sans ressources) plus elle est difficile et coûteuse à administrer. D’importants coûts administratifs sont souvent associés au recouvrement des coûts, ainsi qu’à des choix arbitraires excluants. De plus, les coûts social, financier et temporel pour les populations pauvres que représente le fait de devoir “prouver” qu’ils sont pauvres sont extrêmement lourds également. Les méthodes ciblant plutôt des géographies ou des niveaux de consommation sont probablement plus inclusives et moins coûteuses.

2. Quels sont les principaux défis et quelles sont les conséquences de la pandémie de Covid-19 en termes d’accès des populations aux services sociaux de base ? Comment l’aide publique au développement peut soutenir le renforcement de cet accès ? 

L’un des principaux défis est d’accroître la proportion des dons au sein de l’aide publique au développement, même lorsque les subventions sont conditionnées au fait de garantir un accès aux services de WASH et aux autres bien sociaux. Les prêts entraînent un alourdissement du fardeau de la dette pour les pays et ne permettent pas aux populations de sortir de la pauvreté. Il existe un mythe largement répandu que la structure des principes et standards autour des droits humains implique un caractère “universel” et de “ne laisser personne de côté”. La structure mentionne aussi la non-régression et l’allocation du maximum de ressources disponibles pour la réalisation des droits. Par ailleurs, selon moi, les ressources doivent être orientées vers les opérations de maintenance des services WASH, autrement les gains dans l’accès seront perdus puisque les systèmes se détériorent. Ainsi, il ne s’agit pas seulement de fournir des infrastructures et des systèmes, mais aussi de soutenir leur approvisionnement durable.

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