Campagne StandUp4Water

Les droits à l’eau et à l’assainissement en France: quelles réalités?

En France, 99% de la population a accès à un réseau d’alimentation en eau et 99,7% des français ont des toilettes à domicile (Insee). Néanmoins, une grande majorité des personnes démunies ne bénéficient pas d’un accès permanent et abordable à l’eau potable et à l’assainissement.

Un accès quasi inexistant pour les populations vulnérables

L’accès à l’eau potable en France demeure problématique pour une fraction de la population en situation précaire. Il est difficile de chiffrer de manière précise les populations concernées par ce manque physique d’accès à l’eau et à l’assainissement car il n’existe aucune étude nationale permettant d’avoir des données sur la disponibilité des dispositifs publics d’accès à l’eau et à l’assainissement. On estime cependant à plusieurs centaines de milliers le nombre de personnes n’ayant pas accès de manière permanente à l’eau potable ou subissant des conditions d’hygiène insuffisantes. Cette estimation recouvre aussi bien les personnes vivant dans la rue (143 000 personnes – chiffre Insee), des bidonvilles (16 090 personnes – chiffre DIHAL octobre 2018), des squats ou des habitats atypiques (85 000 personnes – chiffre du recensement population 2006), que les gens du voyage (44 000 personnes ne peuvent accéder à une place dans les aires d’accueil aménagées – chiffre 24e rapport FAP) ou encore les personnes vivant dans des logements dépourvus de confort sanitaire de base (173 000 ménages sans toilettes intérieures et 117 000 sans baignoire ou douche –  chiffre 24e rapport FAP).

Concernant la question spécifique des migrants, la France a été mise en garde par le Rapporteur spécial sur les droits à l’eau potable et à l’assainissement, Leo Heller, qui souligne dans un rapport que, dans la région de Calais, les demandeurs d’asile et les migrants n’ont accès que de façon limitée à l’eau et à l’assainissement, voire n’y ont pas accès du tout, et n’ont parfois pas d’autre choix que de déféquer en plein air. Il s’agit ici d’une violation du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement.

La problématique de l’accessibilité financière de l’eau potable et de l’assainissement

Le droit à l’eau implique que l’accès à une eau potable soit abordable pour tous. Un consensus existe en France et dans les pays de l’OCDE considérant que le prix de l’eau devient inabordable lorsque cette facture dépasse 3 % des revenus effectifs du ménage. Cependant, en France plus d’un million de ménages ont du mal à payer leurs factures d’eau : 1 210 000 locataires sont en situation d’impayés de loyers ou de charges (ENL 2013, calculs FAP). Les personnes qui voient leur facture d’eau dépasser ces 3% sont surtout des personnes sans emploi, des personnes seules, des retraités et des consommateurs usagers d’eau en milieu rural. Pour ces derniers, la mise en conformité des installations d’assainissement autonome soumis à la réglementation de l’Assainissement Non Collectif est aussi un sujet complexe. Cette mise en conformité reste à ce jour à la charge de chaque foyer (entre 5000€ à 15000€) et de nombreux ménages sont en grande difficulté pour la financer, alors même qu’ils payent déjà dans le cadre de leur facture d’eau une part concernant l’assainissement des eaux consommées.

Les Outre-Mer : une situation aggravée

Un rapport de 2013 du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable relatif à l’évaluation de la politique de l’eau a constaté que « les DOM sont confrontés à quarante ans de retard dans la mise en œuvre de la politique de l’eau ». Les territoires français ultramarins sont particulièrement sensibles à l’enjeu de la continuité du service d’approvisionnement en eau potable et les problèmes d’accès à l’eau potable et l’assainissement y sont réellement problématiques : en Guyane, 6% n’a pas un accès adéquat et facilité à des toilettes hygiéniques (JMP 2017) et au moins 15% de la population n’est pas desservie par les réseaux publics d’eau potable et à Mayotte, 22% de la population n’a pas l’eau courante, 59% n’a pas de toilettes à l’intérieur du logement (Rapport d’inspection générale CGEDD – CGAAER relatif aux DOM, juin 2015).

Des leviers d’action existent pour atteindre un droit à l’eau et à l’assainissement pour tous!

Face à cette situation, il est urgent que la France intègre dans son droit interne la reconnaissance formelle des droits humains à l’eau et à l’assainissement, au sens donné par les Nations Unies. Cette reconnaissance doit s’accompagner de mesures permettant une mise en œuvre effective de l’accès aux services d’eau et d’assainissement pour tous, telles que :

  1.  la généralisation de la tarification sociale de l’eau pour les ménages ayant des difficultés à payer leurs factures d’eau et d’assainissement ;
  2.  l’installation de points d’eau potable et de toilettes publiques répartis de façon équilibrée sur le territoire des communes et destinés à un accès public, gratuit et non discriminatoire, en vue d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous ;
  3.  l’établissement de lignes budgétaires spécifiques, au sein des collectivités territoriales, destinées à remédier aux inégalités en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement pour les personnes sans accès physique permanent aux services ;
  4.  la garantie d’un cadre juridique et institutionnel permettant un accès à la justice sans discrimination, en cas de violation des droits humains à l’eau et à l’assainissement.

Quel rôle des députés européens pour atteindre un droit à l’eau et à l’assainissement pour tous?

Le niveau normatif européen est crucial car il implique une transcription des directives dans le droit interne des pays membres.

La législation et les politiques de l’UE en matière d’eau, y compris la directive-cadre sur l’eau, la directive sur le traitement de l’eau dans les villes, la directive sur l’eau potable et le nouveau projet de directive sur réutilisation de l’eau, sont parmi les plus ambitieux de la législation sur l’eau dans le monde. Ils constituent un tremplin réglementaire exemplaire pour atteindre les ODD au sein de l’UE. Certains éléments de cette politique en matière d’eau sont en cours d’évaluation et de révision.

C’est pourquoi la campagne StandUp4Water appelle les candidats aux élections pour le Parlement européen à s’engager pour faire de l’eau une priorité de l’agenda politique de l’UE et à promouvoir une législation européenne ambitieuse pour l’eau et l’assainissement, notamment en s’assurant que, dans le processus actuel d’évaluation et de révision des directives de l’UE sur l’eau, les exigences de normes soient maintenues et que les dispositions adoptées soient conformes à l’Agenda 2030.

  • Retrouvez le blog sur le site d’End Water  Poverty ici

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