9 Février 2018

Réaction aux conclusions du CICID du 8 février 2018

L’eau et l’assainissement, un prérequis pour les priorités de la politique de développement française

Copyright Eau Vive
Copyright Eau Vive

Le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) s’est réuni le 8 février 2018, sous la présidence du Premier ministre et en présence de 8 ministres. Le gouvernement a adopté un relevé de conclusions qui précise les objectifs, les moyens et les modalités de cette politique. Celui-ci fixe la trajectoire d’augmentation des crédits dédiés à l’Aide Publique au Développement d’ici à 2022, ainsi que les priorités géographiques et thématiques pour le quinquennat.

Quelle prise en compte de l’eau et l’assainissement par le CICID ?

Le relevé de conclusions du CICID confirme les 5 priorités françaises en matière d’aide au développement, déjà annoncées par le Président de la République : les crises et fragilités ; le climat ; l’éducation ; l’égalité femmes/hommes ; la santé.

L’eau et l’assainissement ne sont donc pas identifiés comme une priorité en tant que telle par le gouvernement. Toutefois, le secteur est mentionné dans la partie relative au climat (paragraphe 5.7) :

« La France poursuivra la mise en œuvre des droits de l’Homme en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, contribuant ainsi à améliorer la santé, l’accès à l’éducation, la sécurité alimentaire et nutritionnelle et l’égalité de genre. Les actions en matière de gestion durable de la ressource, de prévention des catastrophes liées à l’eau et de réponse aux situations d’urgence contribuent à atteindre les objectifs de la France en matière d’adaptation aux effets du changement climatique. La France élaborera une stratégie pluriannuelle dédiée ».

La Coalition Eau est ainsi satisfaite de l’annonce réaffirmée de l’élaboration d’une stratégie pour ce secteur, laquelle fait défaut à l’heure actuelle. L’intégration de ce paragraphe fait suite aux propositions d’amendements portées par la Coalition Eau, le Partenariat Français pour l’Eau et le collège ONG du Conseil National pour le Développement et la Solidarité Internationale (CNDSI).

La Coalition Eau souligne que l’eau et l’assainissement sont un prérequis pour les progrès dans les secteurs prioritaires du gouvernement français :

  • Crises et fragilités : 40 % de la population mondiale pourrait être confrontée à des pénuries d’eau d’ici 2050 selon l’OCDE. La rareté de l’eau dans certaines régions peut coûter jusqu’à 6% du PIB, aggravant des situations de conflits et accélérant les phénomènes migratoires (Banque Mondiale, 2016). Sécheresses, inondations… le cap de l’urgence est déjà franchi dans de nombreuses régions. De plus, de nombreux déplacés et réfugiés n’ont pas d’accès à l’eau potable et à l’assainissement, posant un risque sanitaire important pour ces populations fragilisées.
  • Climat : L’eau est le principal vecteur par lequel le changement climatique affecte les êtres humains et l’environnement, selon le GIEC. La gestion des ressources en eau est indispensable pour l’atténuation et l’adaptation aux effets du changement climatique.
  • Santé : 1,8 milliards de personnes consomment aujourd’hui une eau contaminée. Ce danger sanitaire engendre le décès d’environ 1 000 enfants chaque jour (OMS, 2017). Les maladies diarrhéiques liées à une eau insalubre et à un assainissement inadéquat sont la 2ème cause de mortalité infantile.
  • Education: Les maladies liées au manque d’eau et d’assainissement entrainent un fort absentéisme scolaire.
  • Genre : Les tâches de collecte d’eau sont majoritairement réalisées par les filles et les femmes, réduisant fortement les progrès en matière d’égalité femmes/hommes.

Quelles avancées globales pour la politique de développement ?

Le relevé de conclusions du CICID contient quelques avancées pour la politique de développement en général, dont certaines permettront de renforcer les progrès en matière d’eau et d’assainissement. A l’inverse, les ONG relèvent également un certain nombre d’engagements flous ou insatisfaisants.

Les points positifs :

  • Une trajectoire donnée pour l’atteinte de l’objectif présidentiel de 0.55% du RNB pour l’APD d’ici à 2022 : 0,44 % en 2019, 0,47 % en 2020, 0,51 % en 2021 puis 0,55 % en 2022.
  • l’engagement à atteindre 1,5 milliards d’euros annuels pour l’adaptation au changement climatique d’ici 2020 ;
  • l’augmentation à 500 millions d’euros de l’aide humanitaire française à l’horizon 2022 ;
  • le doublement des fonds pour la Facilité d’atténuation des vulnérabilités de l’Agence Française de Développement, pour atteindre 200 millions d’euros par an d’ici 2020 ;
  • des annonces concrètes en faveur de la santé, l’éducation et l’égalité hommes-femmes ;
  • l’amélioration du pilotage politique et de la redevabilité de l’aide (création d’un Conseil du développement, tenue d’une conférence budgétaire sur l’APD chaque année, lisibilité accrue des documents budgétaires, pratiques d’évaluation…)
  • la mise en place d’une feuille de route pour la réalisation des Objectifs du développement durable et des propositions concrètes pour les mettre en œuvre (indicateurs de performance budgétaire en cohérence avec les ODD, analyse d’impact des textes et documents législatifs sur les ODD…).

Les points négatifs :

  • le report à 2020 du décaissement effectif des crédits budgétaires supplémentaires pour l’APD, même si la trajectoire d’augmentation d’ici 2022 est clarifiée ;
  • une cible floue pour l’augmentation des dons de l’aide bilatérale à l’horizon 2022 ;
  • l’absence de toute référence à la Loi d’orientation de juillet 2014 sur le développement et la solidarité internationale, dont la révision était prévue cette année et qui aurait permis d’intégrer une véritable programmation budgétaire dans la loi ;
  • l’intégration des enjeux de régulation de la migration irrégulière dans la politique d’aide au développement, alors que l’aide au développement devrait avoir pour seul et unique objectif l’éradication de la pauvreté dans les pays les plus vulnérables ;
  • le peu de prise en compte du droit international humanitaire et des actions diplomatiques en faveur de la résolution des conflits ;
  • l’engagement à doubler le montant d’APD transitant par les ONG, qui reste vague et demeure bien en deçà des attentes et des capacités des ONG françaises ;
  • le manque de reconnaissance du rôle de la coopération décentralisée, avec un engagement imprécis à « doubler les fonds destinés au soutien à l’action extérieure des collectivités territoriales » d’ici 2022.

En termes de ciblage géographique, notons la priorité réaffirmée à l’Afrique, en particulier au Sahel. La liste de 19 pays prioritaires de l’aide, presque tous d’Afrique subsaharienne, a été actualisée.

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