Des nouvelles libertés tarifaires pour l’eau en France

Dans le brouhaha causé par les débats sur le tarif progressif de l’énergie et la décision de censure du Conseil constitutionnel en date du 11 avril 2013, peu auront remarqué que la « Loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes » a permis de faire de grands progrès en matière de tarification de l’eau. Ce qui a longtemps été interdit, ne l’est plus grâce aux libertés que permet cette nouvelle loi. Le Conseil constitutionnel aurait pu tuer l’avancée législative dans le secteur de l’eau mais il ne l’a pas fait. Même au niveau du Parlement, il n’y a pas eu de vrais débats sur la tarification de l’eau.

Désormais, chaque collectivité organisatrice du service de l’eau peut créer un tarif pour les ménages et un tarif pour les autres usagers. Il est permis de faire payer à un prix très réduit une ou plusieurs tranches de consommation d’eau pour une catégorie d’usagers et en compensation d’augmenter légèrement le prix de l’eau pour les autres usagers (professionnels, industriels, commerçants, etc). La difficulté consiste à identifier les abonnés qui ne sont pas des ménages. Pour automatiser le traitement de la facturation, il serait possible d’attribuer le tarif réduit aux abonnés consommant moins de 200 ou 250 m3 /an et de n’exiger des justificatifs que pour les abonnés qui consomment un volume plus élevé et veulent bénéficier du tarif des ménages.

La plus grande nouveauté consiste à autoriser des tarifs réduits pour les personnes ayant de faibles revenus. De tels tarifs sociaux qui existent pour l’électricité, le gaz et les cantines scolaires sont désormais permis pour l’eau. Chaque collectivité organisatrice peut désormais demander au préfet l’autorisation de créer de tels tarifs en identifiant la catégorie des bénéficiaires et en précisant l’avantage tarifaire consenti. Il peut s’agir, par exemple, des personnes recevant le RSA-Socle (moins de 483 € /mois pour une personne) ou la CMU-C gratuite (moins de 661 €/mois pour une personne). Le nombre de personnes à aider augmente avec le prix de l’eau. Il peut atteindre jusqu’à 10% des ménages dans les cas des municipalités avec des populations ayant de faibles revenus mais devrait rester en moyenne autour de 3%.

Pour automatiser le traitement de la facturation, il faut disposer d’un fichier des bénéficiaires du tarif réduit et le croiser avec le fichier des abonnés. La nouvelle loi autorise ce transfert de fichiers.

Les collectivités organisatrices peuvent désormais mener la politique sociale de l’eau de leur choix et devront la financer car l’eau est une compétence décentralisée. Elles pourront réduire le prix de la distribution d’eau, le montant des abonnements ou le prix de l’assainissement tout en préservant l’équilibre comptable du service. Elles pourront même instituer un volume d’eau à prix symbolique pour les ménages. En revanche, elles devront choisir si la charge nouvelle que constitue l’aide préventive est supportée par les usagers de l’eau (subvention croisée) ou par le budget municipal (contribuables locaux). Dans le premier cas, il sera parfois nécessaire d’augmenter légèrement le prix de l’eau. En revanche, il ne sera pas permis de taxer le chiffre d’affaires des opérateurs privés ou des producteurs d’eau minérale, ni de faire appel à des sources de financement alternatif.

Ces nouveautés devront être discutées avec les citoyens et être adoptées par les conseils municipaux. Ceux-ci pourront soulever la question de savoir si le tarif de l’eau des gros usagers peut être plus faible que celui payé par les ménages, si les administrations et services publics (écoles, hôpitaux) ont droit à bénéficier d’un tarif réduit. De nombreuses variations tarifaires sont possibles comme le montre les expériences à l’étranger.

Toutefois tous les tarifs ne sont pas admissibles car il existe l’exigence que les usagers payent le service rendu par un service public à des tarifs qui sans être identiques n’introduisent pas des discriminations évidentes. Le monopole de la distribution de l’eau ne peut servir de base à l’instauration de tarifs inéquitables ou de privilèges injustifiés. L’expérimentation que permet la nouvelle loi permettra aux collectivités de faire preuve d’inventivité et de prendre leurs responsabilités. Certaines comme Libourne, Paris ou Dunkerque n’ont pas attendu pour agir. En tout état de cause, il faudra respecter le principe de l’égalité devant les charges publiques.

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