Droit à l’eau en France

Bientôt une tarification sociale de l’eau généralisée

Il s’agit d’une demande de longue date des organisations de la société civile, déjà portée par le député Michel Lesage à l’Assemblée Nationale au travers d’une proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement. Des sénateurs socialistes avaient également proposé de proroger l’expérimentation de la tarification sociale de l’eau prévue par l’article 28 de la loi Brottes de 2013 préparant la transition vers un système énergétique sobre (voir la proposition de loi).

Une liberté donnée aux collectivités

La mesure de généralisation de la tarification sociale a été ajoutée par le ministère de la Transition écologique, dans un article qui revient sur l’attribution de la compétence « eau et assainissement » et, si le texte est voté, autoriserait les collectivités à adopter des tarifs sociaux de leur choix dans les règlements de leurs services de l’eau.

En effet, le projet de loi sur les collectivités prévoit de modifier le code des collectivités territoriales pour permettre l’application aux ménages modestes d’une tarification sociale de l’eau tenant compte des revenus du foyer ou sous forme d’une aide au paiement des factures. La limite de la mesure proposée est que le dispositif pourra être mis en place sur une base volontaire et n’aura pas vocation à être obligatoire : la mise en place d’un tel dispositif d’aide reposera sur les collectivités.

Ces mesures pourront prendre la forme d’une tarification tenant compte de la composition et des revenus du foyer, d’une aide au paiement des factures, d’une aide pour l’accès à l’eau, d’une contribution au fonds de solidarité pour le logement (FSL) ou encore de l’instauration d’un tarif progressif. Ce dernier mode financera des aides relatives au paiement des fournitures d’eau ou des charges collectives afférentes, dans la limite de 2% des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues.

Des expérimentations en cours de tarification sociale

À l’heure actuelle, des expérimentations de tarification de l’eau sont déjà menées par une cinquantaine de collectivités. Plus des deux tiers d’entre elles ont testé une aide au paiement de la facture d’eau et d’assainissement, telle que le « chèque eau », selon le rapport d’étape du Comité National de l’Eau (2017). Une dizaine d’autres collectivités ont mis en place une modulation tarifaire soit de la part variable (selon le nombre de m3 consommés), soit de la part fixe (abonnement) ou en instaurant des tranches de consommation avec parfois la première tranche de consommation gratuite. Enfin, une dizaine d’autres ont testé un dispositif basé sur une utilisation renforcée du Fonds de Solidarité Logement (FSL). Ces expérimentations locales avaient prolongées au 15 avril 2021 par la loi de finances 2019. Le PJL sur les collectivités autoriseraient donc ces collectivités déjà engagées dans des dispositifs de tarification sociale à les poursuivre après 2021 (sauf la première tranche gratuite pour tous).

Quelques limites

Un problème social subsiste : il n’y a pas d’obligation de créer un tarif social et il n’y a pas d’uniformité dans les conditions à remplir pour bénéficier de ce tarif. Il n’y a aucun dispositif de solidarité inter-collectivité. Cette difficulté aussi  existe en Italie, en Espagne et au Portugal et  n’a pas été un obstacle à la liberté tarifaire des collectivités.

Le texte n’intègre pas non plus la problématique de l’accès à l’eau et à assainissement pour personnes non connectées au réseau et n’encourage pas les municipalités à fournir un accès gratuit à des bornes-fontaine d’eau potable.

Perspectives d’examen du texte

Les débats sur ce texte débuteront à la rentrée au Sénat, puis passeront à l’Assemblée Nationale en commission des lois.

La Coalition Eau analysera le texte de loi afin de voir quelles mesures précises sont prévues et portera une attention particulière aux points suivants :

  • Les incitations prévues pour les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de ce dispositif qui sera sur une base volontaire
  • Les modalités prévues pour les habitats collectifs, qui par définition ne disposent que d’un seul compteur et posent difficulté pour le déploiement d’un chèque eau par foyer*
  • L’extension du dispositif aux services d’assainissement (pour éviter que les prix de ces derniers deviennent inabordables à leur tour)

 

  • Retrouvez le texte du projet de loi Lecornu sur les collectivités et leurs élus, commenté article par article sur le site Contexte.com ici

Projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique

Art. L. 2224-12-1-1 — Les services public d’eau et d’assainissement sont autorisés à mettre en œuvre des mesures sociales visant à rendre effectif le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous, tel que prévu à l’article L. 210-1 du code de l’environnement. Ces mesures peuvent consister en :

« 1° la définition de tarifs tenant compte de la composition et des revenus du foyer ;

« 2° l’attribution d’une aide au paiement des factures d’eau tenant compte de la composition et des revenus du foyer ;

« 3° le versement d’aides pour l’accès à l’eau par les foyers en situation de difficulté ;

« 4° une subvention attribuée au fonds de solidarité pour le logement dans les conditions fixées à l’article L. 2224-12-3-1 du code général des collectivités territoriales. A défaut d’intervention du fonds de solidarité pour le logement, le versement peut être réalisé aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale ; « 5° un accompagnement et des mesures de sensibilisation et d’aide aux économies d’eau. « Par dérogation au ler alinéa de l’article L.2224-2 du présent code, Les communes et leurs groupements concernés par ces mesures peuvent contribuer à leur financement en prenant en charge dans leur budget propre tout ou partie du montant des dépenses prévues à cet effet. « Les organismes de sécurité sociale, de gestion de l’aide au logement et de l’aide sociale fournissent aux services chargés de la mise en oeuvre de ces mesures les données nécessaires pour identifier les foyers bénéficiaires de l’approche sociale de la facture d’eau, la commission nationale de l’informatique et des libertés étant préalablement consultée en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. « L’agence de l’eau et, dans les départements d’outre-mer, l’office de l’eau peuvent apporter des aides aux études de définition et de suivi du dispositif, dans la limite de la moitié des dépenses. L’Agence française pour la biodiversité apporte un concours financier aux offices de l’eau pour la réalisation des études dans les départements d’outre-mer. »

2° L’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1) Le I est complété par les dispositions suivantes : « Dans le cadre d’une approche sociale de la tarification de l’eau, la facturation d’eau potable aux abonnés domestiques par les services concernés peut tenir compte du caractère indispensable de l’eau potable pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité en instaurant un tarif progressif pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite. « La progressivité du tarif peut être modulée pour tenir compte des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer, le prix au mètre cube de la tranche de consommation supérieure ne pouvant toutefois excéder plus du double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la consommation. » ;

2) Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le service assurant la facturation de l’eau peut procéder au versement d’aides pour l’accès à l’eau par les foyers ayant des difficultés de paiement de leurs factures d’eau et dont les ressources sont insuffisantes. Lorsque l’aide au paiement des factures d’eau concerne la distribution d’eau et l’assainissement, une convention est passée entre le service assurant la facturation de l’eau, les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances. »

3° Au second alinéa de l’article L.2224-12-3-1 du code général des collectivités territoriales les mots « 0,5% » sont remplacés par les mots «2% ».

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