Journée Mondiale des Toilettes

La Coalition Eau mobilise 14 parlementaires en faveur de l’accès à l’assainissement

UN TIERS DE L’HUMANITE N’A PAS ACCES A L’ASSAINISSEMENT : QUE FAIT LA FRANCE ?

le 19/11/2016 à 6h00

Il existe une Journée Mondiale des Toilettes, le 19 novembre, pour mettre en lumière une réalité taboue et crue : plus d’un tiers de la population mondiale vit sans toilettes. A cette occasion, nous, parlementaires (1), interpellons le gouvernement sur le rôle de la France pour lutter contre ce fléau. Négligé depuis trop longtemps, l’accès à l’assainissement doit devenir une priorité de la politique de développement et de solidarité internationale, avec des modes d’intervention adaptés aux enjeux.

Il y a six ans, les Nations Unies reconnaissaient le droit à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit de l’Homme. Mais aujourd’hui, la situation est plus qu’alarmante : 2,4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à des toilettes adéquates. La propagation des matières fécales rend l’eau insalubre pour près d’1,8 milliard de personnes. Un danger sanitaire qui engendre le décès d’environ 1000 enfants chaque jour. Et comme si ces constats accablants ne suffisaient pas, les maladies causées par l’absence d’assainissement sont à l’origine de nombreux fléaux : sous-nutrition, absentéisme scolaire, pertes économiques… Un fardeau qui pèse sur les Etats, les collectivités locales, les familles, les femmes et les enfants. Sans compter le préjudice inestimable sur la dignité humaine que vit une personne qui ne dispose d’aucun endroit intime pour faire ses besoins.

Une situation intolérable

Car la réalité est là : la question des toilettes reste un sujet tabou, sous-estimé et sous-financé. Le secteur de l’assainissement accuse un fort déficit d’aide internationale. La France, pourtant un bailleur historique dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, ne s’implique pas suffisamment.

Preuve en est l’insuffisance des dons français. Au sein du dispositif français d’Aide Publique au Développement, le secteur de l’accès à l’eau potable et à l’assainissement est emblématique du déséquilibre entre prêts et dons aux pays en développement. Selon les données OCDE, entre 2010 et 2014, les engagements d’aide bilatérale pour l’eau et l’assainissement s’élèvent en moyenne à près de 500 millions d’euros par an, dont 87% sont des prêts. Certes, le montant des dons est stable depuis 2010, à hauteur de 60 millions d’euros environ, mais il est uniquement maintenu grâce à l’apport de la coopération décentralisée, mise en œuvre par les collectivités territoriales et agences de l’eau, qui représente plus du tiers des dons en 2014. L’effort de l’Etat français, lui, ne cesse de diminuer.

Ces arbitrages politiques laissent à la marge les populations ayant les plus forts besoins. Le­­ recours massif aux prêts a pour conséquence de flécher l’aide principalement vers les gros investissements en milieu urbain dans les pays solvables, au détriment des pays les plus pauvres, des États fragiles et en crise.

Surtout, l’assainissement est laissé pour compte. Le manque de dons limite fortement notre capacité à intervenir dans le domaine de la fourniture des services d’assainissement, en particulier l’assainissement autonome, solution la plus courante dans les pays en développement.

Un secteur social, pas un « business » rentable !

C’est un fait : l’accès à l’assainissement est peu finançable par les prêts français car c’est un secteur difficilement rentable. Investissement très coûteux, l’assainissement signifie toilettes, mais également évacuation et traitement des eaux usées. Dans de nombreux pays, les ménages sont rarement disposés à payer le prix, car les bienfaits des toilettes sont méconnus. La perception du « service rendu » est moindre que pour d’autres services jugés plus essentiels comme l’eau, l’électricité, les télécommunications… En outre, si un seul ménage de la communauté fait cette démarche, la qualité de l’eau consommée, son niveau de vie, la santé et le taux de scolarisation de ses enfants ne s’amélioreront pas. Les effets positifs apparaîtront si, et seulement si, la communauté locale investit collectivement et massivement dans de telles infrastructures. C’est pourquoi l’action publique, à laquelle contribuent les dons d’aide au développement, est déterminante dans ce secteur. Mais aussi pleinement justifiée : chaque année, les pays en développement perdent 260 milliards de dollars, à cause des impacts du non-assainissement.

L’assainissement, plus que tout autre secteur, requiert de faire évoluer les politiques publiques, renforcer les compétences et sensibiliser les populations pour faire émerger des demandes sociales et politiques… Autant d’actions que l’aide française doit développer, mais qui ne génèrent pas de revenus directs pour rembourser des prêts.

Enfin, et alors que la COP 22 s’achève à Marrakech, l’accès aux toilettes et le traitement des eaux usées préservent les ressources en eau, menacées par le changement climatique. Actuellement, 90 % des eaux usées des pays en développement sont rejetées, sans avoir été traitées, dans l’environnement.

Un tabou à briser

C’est pourquoi, à l’approche du Comité Interministériel pour la Coopération Internationale et le Développement, qui se réunira le 30 novembre prochain, nous, parlementaires, demandons au gouvernement de :

  • Affirmer sa volonté de contribuer à l’atteinte de l’Objectif du Développement Durable n°6 des Nations Unies qui vise l’accès universel et durable aux services d’eau et d’assainissement d’ici à 2030.
  • Reconnaitre l’importance du recours aux dons dans ce domaine, en augmentant les dons bilatéraux pour l’assainissement de 40 millions d’euros annuels, afin d’atteindre 100 millions d’euros dès 2017.
  • Concevoir, en concertation avec toutes les parties prenantes, une stratégie d’action pluriannuelle dans ce domaine, dédiée aux droits humains à l’eau potable et à l’assainissement, dans un contexte de gestion durable de l’eau.

Brisons le tabou ! Sans toilettes décentes, l’accès à l’eau potable, à la santé et à l’éducation pour tous, comme de nombreux Objectifs de Développement Durable, resteront une utopie pour des milliards d’êtres humains.

 

(1) Parlementaires signataires : Danielle Auroi, députée EELV du Puy-de-Dôme, Annick Billon, Sénatrice UDI de la Vendée, Olivier Cadic, Sénateur UDI des Français établis hors de France, Pascal Cherki, député PS de Paris, Jean Glavany, Député PS des Hautes-Pyrénées, Benoît Hamon, député PS des Yvelines, Jean Launay, Député PS du Lot, Michel Lesage, Député PS des Côtes-d’Armor, Viviane Le Dissez, Députée PS des Côtes-d’Armor, Philippe Noguès, Député du Morbihan, Bertrand Pancher, Député UDI de la Meuse, Dominique Potier, Député PS de Meurthe-et-Moselle, Stéphane Saint-André, Député PRG du Pas-de-Calais, Jean-Marie Tétart, Député LR des Yvelines

Voir la tribune sur le site de La Croix

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