21 Avril 2020

Communiqué de Coordination Sud

Face à la crise, l’aide publique au développement doit être augmentée massivement en dons

Face à la crise, l’aide publique au développement doit être augmentée massivement en dons

Paris, le mardi 21 avril 2020

Parce que les destins de tous les pays sont liés, la réponse à la crise du Covid-19 doit être globale. Elle doit passer par une solidarité sans faille et sans condition des pays riches en direction des pays pauvres. Pour Coordination SUD, les pays du Sud doivent avoir accès sans délai à des dons massifs de l’aide publique au développement (multilatérale, européenne, française) pour répondre à la crise sanitaire et à ses impacts immédiats en matière sociale, démocratique et économique, ou sur les droits humains. L’annulation des dettes des pays pauvres est également nécessaire. Les pays du G20 doivent aller plus loin.

Du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, les pays bénéficiaires de l’aide publique au développement (APD) voient leurs ressources budgétaires fortement diminuer. Les revenus d’exportation des matières premières s’effondrent, les transferts d’argent des personnes migrantes vers les pays d’origine se réduisent, les impôts sur l’activité vont encore diminuer, les investisseurs privés rapatrient leurs avoirs. Contrairement aux pays riches qui bénéficient de la création monétaire de leurs banques centrales et qui empruntent sur les marchés financiers, les pays bénéficiaires de l’APD ne disposent pas de tels leviers pour trouver les financements dont ils ont besoin pour répondre aux mille conséquences de la pandémie.

Là-bas comme ici, la crise sanitaire a d’énormes conséquences sociales, économiques, démocratiques. La mobilisation de moyens budgétaires exceptionnels doit s’additionner à ceux consacrés à toutes les politiques publiques qui doivent être poursuivies. L’aide publique au développement est un outil indispensable. Elle doit être là pour couvrir toutes les dimensions de la crise.

L’APD ne résoudra pas tout le besoin de financement. Mais toutes ses ressources, tous ces outils, doivent être mobilisés pour la mise en oeuvre de politiques publiques adaptées pour une réponse durable à la crise. L’APD doit être coordonnée pour que ses composantes multilatérales, européennes, nationales s’additionnent et venir de tous les pays qui affirment agir pour le développement. Pas seulement des pays membres de l’OCDE.

Des dons pour les pays pauvres et non des prêts

Pour répondre à l’urgence, l’aide doit intervenir par des dons, car engager ces pays fragiles à accepter des prêts n’a pas de sens dans le contexte actuel.

La France a dit agir pour la création de 500 milliards de dollars de DTS par le FMI qui apporterait un financement d’une quinzaine de milliards directement affectés aux pays les plus pauvres. Y ajouter les financements des quotes-parts des pays riches est donc indispensable pour que les financements par les DTS soient à la hauteur des enjeux dans les pays pauvres.

Aucune politique d’austérité qui accompagne généralement les financements du FMI ne devrait conditionner ces dons d’aide d’urgence. Mais nous n’en sommes plus là, les États-Unis ayant refusé la mesure, celle-ci a donc été retirée de l’ordre du jour du G20. Il est indispensable de ne pas en rester là et que les pays qui la défendaient mènent le débat public sur son utilité.

Quant aux remboursements des dettes publiques des pays les plus pauvres, le G20 vient d’annoncer un moratoire de huit mois sur les dettes détenues par les créanciers bilatéraux publics et repousse leur remboursement sur les trois ans 2022 à 2024. Un répit bienvenu mais loin d’être à la hauteur pour Coordination SUD. C’est une véritable annulation des dettes des pays pauvres qui s’impose afin de libérer immédiatement et durablement des moyens financiers déjà disponibles dans les États. Ces annulations doivent accompagner les dons et ensemble permettre aux États de faire face à l’ampleur de la crise.

Une mobilisation indispensable des pays membres de l’UE

La mobilisation immédiate des moyens de l’APD de l’Union européenne et des États-membres, votés mais pas encore engagés, est aussi un canal de financement essentiel qui permet d’agir dans l’urgence. Elle doit passer essentiellement par des dons, massifs, additionnels et rapidement mis en oeuvre.

La Cnuced demande que la solidarité internationale se traduise par des apports qui au total représenteraient 2300 milliards d’euros. La France vient de faire une première réallocation avec un financement de 1,2 milliard d’euros pour l’appui aux systèmes de santé. Mais, autant le dire, cette mesure est plus qu’insuffisante et moins de 10% correspondent à des dons, ce qui n’est pas cohérent. Les collectifs budgétaires qui se succèdent doivent maintenant inclure des mesures qui permettent de rectifier cela en votant des dons massifs et décaissés rapidement.

Depuis 2016, la France avait commencé à accroître les montants de son APD. De 0,43 % du revenu national brut en 2017, le gouvernement fixait le niveau à atteindre à 0,55 % en 2022. Deux-tiers de cette croissance devaient aller aux dons, le reste aux prêts. Les financements passant par les organisations de la société civile devaient doubler, tout en restant à un niveau très inférieur de ce qui se fait dans la plupart des grands donateurs européens.

Bien qu’insuffisante au regard de l’engagement international des 0,70 %, la trajectoire était un premier pas. Les montants de l’APD de 2019, publiés récemment par l’OCDE, montrent toutefois que la France ne progresse que lentement dans sa mise en oeuvre.

Plus fondamentalement aujourd’hui, pour répondre à la crise, il faut aller plus loin. Car, avec la crise sanitaire, l’APD doit augmenter massivement comme le doivent les budgets nationaux. La crise implique de sortir des procédures habituelles, la France doit être exemplaire en la matière.

Enfin, pour Coordination SUD l’aide doit inclure pleinement des moyens pour les organisations de la société civile, et savoir s’appuyer sur elles. En effet, les associations assurent déjà un rôle essentiel pour l’accès à la santé, l’éducation, l’alimentation, l’eau ou encore le maintien d’une économie solidaire. Elles sont au coeur d’innovations quotidiennes qui permettent de continuer à agir dans les contextes les plus difficiles. Elles apportent l’assistance humanitaire de première nécessité ou encore protègent l’accès aux droits humains ou à l’égalité femmes hommes, également fragilisés dans le contexte actuel. Elles disposent d’une expérience irremplaçable au service de l’intérêt général, complément fondamental de toute action publique internationale ou locale, et constituent, comme en France, un filet essentiel de résilience face aux effets de la crise.

Dans notre monde totalement interconnecté, les destins de tous les peuples sont liés et la crise sanitaire l’illustre directement. On ne mettra pas fin à la pandémie pays par pays. Il en va de même sur le plan économique et social.

Contact presse

Bénédicte Bimoko, bimoko@coordinationsud.org

Tél : 01 44 72 03 78 / 07 76 78 15 19

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