Droit à l'eau et à l'assainissement en France

Des aides pour l’eau fournies par les collectivités territoriales

Depuis peu, les collectivités territoriales peuvent aider les ménages démunis à payer leurs factures d’eau et d’assainissement. Cette aide pourra être forfaitaire ou dépendre de leur consommation d’eau et devrait être plus importante lorsque le prix de l’eau et de l’assainissement est plus élevé. Les bénéficiaires de l’aide et leur montant seront déterminés par la collectivité compte tenu des ressources du ménage bénéficiaire et de sa taille. À cette fin, les collectivités pourront avoir accès aux données individuelles détenues par les organismes sociaux ou d’aide au logement pour identifier ces personnes selon leurs ressources et la taille du ménage. Elles pourront ainsi décider d’aider les usagers bénéficiaires de la CSS gratuite (complémentaire santé) dont bénéficient les personnes démunies (ressources inférieures à 9 032 euros par an pour une personne).

Le financement des aides pour l’eau sera effectué au niveau des services locaux d’eau et de l’assainissement. Ces services supporteront une aide financée par le budget de la collectivité territoriale dans la limite de 2 % des redevances HT d’eau et d’assainissement (au lieu de 0,5 % auparavant). Chaque collectivité pourra aussi abonder le Fonds de solidarité  pour l’eau (FSL) du département pour permettre à celui-ci de verser des aides pour l’eau aux collectivités les plus pauvres du département.

Les collectivités pourront choisir leurs systèmes de tarification de l’eau. Elles pourront instaurer un abonnement qui ne devra pas être trop important et elles pourront moduler le montant de cet abonnement en fonction des revenus et de la  taille du ménage. Ils pourront  même prévoir dans le cas des ménages démunis une première tranche de consommation d’eau gratuite ou de leur verser une aide d’un montant correspondant au coût de la première tranche de consommation.  La tarification sera proportionnelle ou progressive en fonction de la consommation d’eau du ménage et pourra tenir compte des revenus du ménage et de sa taille. En outre, le tarif de l’eau pourra être modulé selon la saison.

Les collectivités pourront également prévoir des tarifs différenciés, c’est-à-dire des tarifs différents pour les abonnés domestiques et pour les autres abonnés. À titre d’exemple, ils pourront augmenter le tarif des non-ménages pour éviter que l’instauration d’un tarif social de l’eau pour les plus démunis ne cause une augmentation du prix de l’eau des usagers domestiques.

Le nombre de bénéficiaires de l’aide pour l’eau devrait être assez faible dans la plupart des collectivités mais pourrait atteindre 20 % des ménages. Comme l’aide sera limitée à une fraction du prix moyen de l’eau, l’incidence des aides sur le budget des services d’eau sera très faible, de l’ordre de 2 % de l’ensemble des factures d’eau.

La mise en œuvre de la nouvelle loi par les collectivités devrait contribuer à la lutte contre la pauvreté sans créer de difficultés au niveau des collectivités. Toutefois, il faudra s’assurer que le système de gestion et de contrôle des aides pour l’eau n’alourdira pas les frais de gestion de manière excessive. La mise en place d’une liaison étroite entre le système des chèques eau et le système des chèques énergie serait de nature à  permettre une mutualisation des données individuelles et une diminution des non-recours.

Au plan concret, les collectivités devraient examiner si des ménages démunis de leur ressort sont soumis à des dépenses d’eau élevées, voire inabordables. S’il en est ainsi, elles pourront se baser sur la nouvelle loi pour aider les plus démunis à avoir accès à l’eau à un prix abordable sans mettre en place des mécanismes coûteux ou complexes. La première étape consistera à évaluer le nombre de bénéficiaires éventuels des futures aides pour l’eau. En général, ils seront plus nombreux que les personnes qui sont actuellement aidées pour l’eau par les CCAS (centres communaux d’action sociale).

La nouvelle loi apportera une contribution positive à la lutte contre la pauvreté SI les collectivités se décident à la mettre en œuvre. Dans ce cas, il leur faudra modifier leurs règlements de service de l’eau pour y faire figurer des mesures de solidarité qui étaient antérieurement interdites.

EXEMPLE D’APPLICATION

Si le prix moyen de l’eau pour un petit usager dépasse 6 euros/m3 et que la consommation d’eau de cette personne est de 100 L/j (soit 36,5 m3/an), il y aura lieu d’être attentif aux incidences sociales car la facture annuelle d’eau atteint 219 euros, c’est-à-dire plus que 201,6 euros, le montant correspondant à 3 % des ressources d’un titulaire du RSA (560 euros/mois). Cette personne démunie pourra faire valoir qu’elle n’a pas accès à l’eau à un coût abordable. Si elle recevait une aide de 24 euros par an, soit 2 euros par mois, les dépenses d’eau deviendraient abordables. Les utilisateurs ayant des ressources inférieures au RSA devraient recevoir une aide plus élevée.

L’auteur

Ancien fonctionnaire de l’OCDE, Henri Smets est ancien professeur invité à l’Université Paris I, membre de l’Académie de l’eau et président de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (ADEDE).

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